• Datation du document présenté: Vers 1459
  • Tradition: France - bibliothèque municipale de Besançon
    Copie en français
    Manuscrit 1371
    Vélin.- Reliure en carton (13 cahiers de 8 feuilles reliés par 6 cordelettes tressées).- 275 mm x 210 mm.- 101 feuillets.- Vers 1459
  • Abstract: Troisième Traité - "Le sixiesme chapitre parle des accidens et mouvemens de l’ame"

📜 Le Régime de Santé par Guy Parat (vers 1459)

 

Le sixiesme chapitre parle des accidens et mouvemens de l’ame.

 

Comment les accidens et passions de l’ame aient grant force et vertu de alterer et muer notre corps, car, comme les mauvaises humeurs ensuyvent aucuneffoiz la malice de la complexion, aussy la mauvaistié de la complexion ensuyt bien souvent les mauvaises humeurs. Pourtant on en parlera et traittera l’en ung petit. Et premier nous devons savoir que, entre les accidens et mouvemens de l’ame, les anciens ensuyvent l’appetit, iceux ou l’appetit convoictant que les philosophes appellent l’appetit iracible et

 


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concupiscible. Et les mouvemens desd. appetiz sont joye, ire, tristesse, crainte, solicitude ou soing, amour, suspecon, angoisse, fureur, envie, paresce et vergongne. Aucuns ensuyvent : la vertu intellective et cognitive, comme aucunes pensees et ymaginations. Et chascune des choses susd. est traicter des philosophies moraulx en tant qu’elles servent a vertu ou a vice. Mais, nous n’en parlerons pas a present. A ceste intencion, l’en puet aussy tracter et considerer ces choses en tant qu’elles pevent alterer et muer notre corps. Et ainsi en traicte le medecin. Et, a ceste intencion, nous en parlerons a present.

Nous devons doncques noter que, quant les dessusd. accidens nous viennent moderement, ilz nous sont cause de santé. Mais, quant ilz viennent excessivement, ilz nuysent et grevent a la santé. Et de ceste sentence est Gallien. Joye doncques attrempee accroist et amende la vertu, comme enseigne Avicenne disant que les choses qui s’ensuyvent reconfortent et accroissent la vertu naturelle, c’est assavoir : bonne viande; vin convenable et subtil et de bonne oudeur; transquilité et joye moderee; et oublier choses tristes et desplaisans; et reduire souvent a memoire ce que l’en ayme; item comuniquer et converser avec ses bons amis.

Gallien aussi monstre que joye attrempee fait engressir et la excessive est aucuneffois cause de la mort et mesmement es gens pusillanimes, qui ont petit et pouvre courage, comme sont femmes et gens de foible cuer, car, quant on a grant joye, la challeur et les esperitz se esmeuvent petit a petit et vont aux parties de dehors, et aucuneffoiz se expandent tellement que le cuer, qui est la racine et source de vie, demeure

 


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tout desnué et destitué de challeur et d’esperit.

Item courroux et ire trop excessive engendrent souvent la fievre, comme dit Gallien, car couroux et ire est ardeur de sant avironnant le cuer. Mais ire attrempee est aucuneffoiz cause de la santé, comme ung docteur appellé Haly conte de ung homme qui, par continuel et excessif travail, estoit tellement affoybli qu’il n’atendoit que la mort. Mais, par grant couroux et ire qu’il eut, il se esvertua et reprint courage, tant qu’il revint en santé. Gallien aussy dit que la challeur naturelle ne se accroist point seullement en nous quant nous labourons et nous excercitons, mais aussy quant sommes couroucez. Et de ceste opinion est Avicenne qui, en parlant du regime et gouvernement des enfans alaictans, dit que plourer ung petit avant qu’ilz alaictent, leur est bon, car c’est signe de couroux par lequel se accroit et augmente la challeur naturele en l’enfant, et pourtant, il actrait mieulx le lait et le digere plus aiseement.

Et pareillement doit-on entendre des aultres accidens et passions de l’ame qui sont en l’appetit irasable et concupisable.

Item les accidens de l’ame qui sont en la vertu intellective et cognitive alterent pareillement notre corps, car nous voyons que forte ymagination est de telle vertu qu’elle mue la personne a diverses dispositions, natures et complexions. Ainsi, comme dit Avicenne, comme l’en voyt souvent advenir que l’enfant resemble a celui qui estoit en l’ymaginacion du pere et de la mere durant leur conjunction. Item le voyt [-on] souvent que ceulx qui ymaginent qu’ilz manguent aucune chose seure ou aygre sententes dans une alteration, car ilz se gellent ou escoubissent [subissent]

 


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ou aucent semblablement : nous voyons aucuneffoiz que, par crainte et ymagination de cheoir, l’en chiet.

Et pour tant, quant nous excedons es accidens et mouvemens dessusd., nous sommes mal disposez et, si nous en savons bien user et en bonne moderation, nous entretiendra en notre santé, et les malades en recouvreront santé et garison.