• Datation du document présenté: Vers 1459
  • Tradition: France - bibliothèque municipale de Besançon
    Copie en français
    Manuscrit 1371
    Vélin.- Reliure en carton (13 cahiers de 8 feuilles reliés par 6 cordelettes tressées).- 275 mm x 210 mm.- 101 feuillets.- Vers 1459
  • Abstract: Troisième Traité - "Des confections ou condimens"

📜 Le Régime de Santé par Guy Parat (vers 1459)

 

Des confections ou condimens.

 

Il est necessaire de parler ung petit des condicions, qui est ce que l’en mect apointer et cuire la viande. Et la cause pour quoy nous en parlons, est pour ce que ces condimens sont bien utilles a l’entretenement de la santé, car ilz rendent les viandes plus delictables au goust, par quoy elles sont plus aisees a digerer, car, come dit Gallien, entre les

 


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viandes saines, ce qui est de meilleur goust, est de plus legiere digestion. Et aussy, par les confections ou condimens, la mauvaistié des viandes puet estre corrigee et les bonnes en deviennent meilleures.

S’ensuyvent les condimens dont nous avons accoustume de user : sel, huile, gresse et beurre.

 

[Sel]

 

Et l’experience monstre que viandes cuictes et appointees sans sel, ne sont point de bon goust, ne acceptables, ne proufitables a l’estomac. Le sel doncques, donne aux viandes bonne saveur et oste la mauvaistié qui est cause de la moisteur indigeree. Pour tant, elles se cuisent et digerent plus parfaictement au sel que sans sel, car la proprieté du sel est premier sechier et aneantir les moisteurs superflues de dehors; secondement, il estraint et assemble plus fort ce qui demeure et par ce, peut apparoir quelles viandes ont besoing d’estre plus sallees en les apointant, car viandes grosses et moistes et qui ont grant superfluité, doyvent estre appointees avecques beaucoup de sel. Et viandes seches et subtilles et ou il n’y a gueres de superfluité, n’ont besoing de faison de sel. Et celles qui tiennent le moyen entre lesd. viandes, en desirent aussy moiennement.

 

[Huiles et graisses]

 

Mais a faire pourrees et potaiges, en faulte de char, ne souffist mye y mettre du sel et de l’eaue, mais il y fault avoir de l’uile ou du beurre ou de la gresse. Et pour ce que pourrees et aultres potaiges sont de leur nature melancoliques et terrestres, il est bon les apointer et confire de aucune chose unctueuse et qui soit de complexion de l’air, par quoy leur complexion terrestre soit attrempee. Et par ce aussy, elles deviennent de meilleur et plus plaisant goust et par consequent, elles se digerent plus aiseement et nourrissent mieulx.

Item huile d’olive, entre les huiles des

 


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quelles on apointe viandes, est la plus doulce et le plus attrempee et la plus amiable a nature. Et huile de noix est moult chaulde et seche. Et pareillement, huile de ligneux n’est pas de leur saveur aussy convenable a nature, comme celle d’olive.

Item, quant nous n’avons point de huile, combien que tousjours en aions, si usons-nous touteffoiz en apointant nous viandes de beurre, dont dessus a esté parlé. Nous appointons aussy aucuneffoys, nous viandes de gresse et mesmement de celles de porc, en faulte de la gresse, eaue de char.

Et ce fait pour les causes dessus touchees.

 

Des choses qui assavourent la viande.

 

La delectation des saulces fut, comme je cru de trouvee premier, des gourmans et gloutons, plus par volupté et plaisance que pour entretenir santé. Et pour tant, elles ne sont, a mon jugement, gueres necessaires a la garde de santé. Ains aucuneffoiz, telles friandises pevent estre cause d’aucunes maladies et indisposicions, car, a cause de telles saulces, l’en se charge plus habundaument de viandes. Mais, pour ce que au jour d’uy, les gens sont fort accoustumez d’en user, et mesmement les princes et grans seigneurs, comme aussy il soyt moult difficille de changer et delaisser ce qui est accoustumé, il se fault aucunement confermer a la coustume, comme veult Ypocras. Et pour tant, je propose de parler et traicter ung petit.

La premiere doncques et principale chose qui doit estre gardee es saulces, supposé que l’en soit sain et haitié, est qu’on en doit prendre moderement. Et de tant que la saulce est plus distante et loingtaine de la nature de la viande ou du brevaige, et qu’elle est moins attrempee, on en doit moins

 


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prendre. Et de tant que la saulce est plus attrempee et plus prochaine a la nature du brevaige ou de la viande, en puet-on user plus largement. Item nous devons considerer que en chault temps, les saulces doyvent estre de leur nature froides ou, a tout le moins, ne doyvent estre gueres chauldes. Et en temps froit, doit estre le contraire. Les saulces donc, doyvent estre composees et faites de vert just ou de vin aigre ou du jus de limons ou cytrons, ou du jus des boutz et extremitez de vigne avec du succre et de l’eaue de roses et amandes, et ung petit de pain rosti mis et trempé avec aucuns des choses dittes. Et n’y doit avoir aulx ne espices chauldes. Mais, es saulces que l’en fait en esté, l’en puet bien mettre ung petit d’une herbe que aucuns appellent serpoul, qui est moindre que poulieul, ou ung petit de persil pour attremper et moderer la froidure des aultres simples materes qui entrent en la saulce. Item, en temps froit, les saulces se doyvent faire de moustarde, de roquet, de gingembre, de poyvre, de cinamoine, de cloux de giroffle, de aulx, de saulge menue, de serpeul, de persil, de vin aigre, de char de vin aigre qui ne soit pas fort mais assez approuchant de vin. Et, en temps moyen, doyvent estre les saulces composees de choses moyennes.

Au sourplus, nous devons savoir que, a toutes viandes, n’est mie convenable une mesme saulce, mais les fault diversifier et varier selon la diversité des viandes, car a l’une affiert une saulce et a l’autre l’autre. Il est assez notoire aux lieux des princes et seigneurs et plus avant ne vuiel entrer en ceste matere, car les maistres de cuisine se pourroient doloir et complaindre de moy, disans que je me vouldroie mesler d’autrui mestier. Et pour tant, je m’en attens a eulx de la maniere de faire les saulces.