• Datation du document présenté: Vers 1459
  • Tradition: France - bibliothèque municipale de Besançon
    Copie en français
    Manuscrit 1371
    Vélin.- Reliure en carton (13 cahiers de 8 feuilles reliés par 6 cordelettes tressées).- 275 mm x 210 mm.- 101 feuillets.- Vers 1459
  • Abstract: Troisième Traité - "De la char des bestes a quatre pies"

📜 Le Régime de Santé par Guy Parat (vers 1459)

 

De la char des bestes a quatre pies.

 

Pour ce que char bonne et louable entre toutes autres viandes, engendre bon sang quant elle est bien et deuement digeree, nous en traitterons a present. Et parlerons premierement de la char des bestes, tant sauvaiges comme domestiques et de leurs parties et membres. Et en apres, dirons des oyseaulx. Nous devons savoir donques que, entre les bestes, aucunes baillent bon et louable nourrissement et aultres le donnent mauvais. Item aucuns sont de legiere et aisee digestion et [d’autres] sont tres dures et difficilles a digerer. Item aucunes engendrent humeurs grosses et visqueuses et les autres engendrent subtilles. Item aucunes chars nourrissent bien fort et autres bien petit. Et, entre les bestes baillans nourrissement, les chevreulx jeunes et les cabris sont de tres singuliere recommendation; et les chabris, qui sont bestes domestiques, vallent mieulx a mangier que les chevreulx qui sont sauvaiges. Et generalement devons savoir que les bestes domestiques ne sont pas si seches que les sauvaiges.

Et ung docteur appellé Ysaac asseigne quatre causes de ceste secheresse des bestes sauvaiges. La premiere cause est prinse de leur demeure qui est chaulde et seiche, car elles se tiennent es champs ou le souleil et les vens ont plaine vertu et les touchent a toute heure. Et pour tant, elles sont plus legieres a courré et saillir que les domestiques. La seconde cause est que coustumierement les sauvaiges ne boyvent pas tant que les domestiques, car, es grandes forests et haultes montaignes ou elles reparent, ne se treuve

 


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pas l’eaue en telle habunce [sic] comme es villes et villaiges, ou l’en nourrist les privees. La tierce cause est la secheresse et dureté de leur viande et nourrissement dont leur char devient dure et seiche. Et pour tant, les bestes sauvaiges tuees ne flairent ne ne puent si tost comme les privees. La quatriesme cause est le viollant et continuel excercice et le grant muement et travail que ont les bestes sauvaiges, qui a peine ne reposent jamais. Et, par cestui continuel travail, toute la moisteur de leur corps est resolue et consummee et leur char en devient dure et seiche; et les bestes domestiques pour les raissons contraires.

Item chevreulx vieulx et les loups et les chievres vielles ne vallent rien a mangier. Item la char de porceaulx, qui ne sont trop vieulx ne trop jeunes mais de moyen eage, comme d’un an ou de deux, est très bonne a gens haitiez qui [sont] robustes et de bonne complexion et ont forte vertu digestive. Et ce est vray tant de sangliers comme de porceaulx privez, et tiens que les sangliers mieulx que les porceaulx prives, car les prives sont trop visqueux et moistez. Et qui veult user des uns ou des aultres, il est bon, avant que les mangier, les faire saller ung petit, car ce modere et actempre leur viscosité. Item aucuns medecins sont de oppinion que ces chars, entre les chars des bestes, sont des plus convenables et mieulx proporcionnez a notre nature et plus nourrissans. Gallien touteffoiz, blasme les petitz pourceletz qui alaictent et dit qu’ilz ne sont pas bons si non aux gens de tres chaulde et forte complexion et qui font grant travail et labeur et souvent se excercicent. Et ce aussy dit Ysaac en suyvant l’auctorité de Ypocras.

Item la char de jeunes veaulx alaictans est moult

 


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louable, et non pas de boeufz vieulx ou de thoreaulx ou de vasches tant sauvaiges comme domestiques et privees, car ces chars sont de tres dure digestion et baillent mauvais nourrissement et engendrent humeurs melencoliques. Et user continuellement d’icelles fait les gens devenir ladres ou fait venir fievres quartaines ou la maladie et douleur de la rate et autres semblables maladies melencoliques.

Item la char d’un mouton d’un an et mesmement quant il est chastré, est bien louable. Et plusieurs la recommendent moult fort, mais la char de mouton vieil non chastré et la char de brebiz et de petitz aigneaulx, ne sont bonnes ne louables pour soy conserver et entretenir en santé.

Et devons savoir que les chars susdictes sont meilleures et plus louables ou temps que les bestes ont meilleures pastures, car lors elles sont plus grasses et plus convenables a mangier.

Item aucuns medecins dient que, entre toutes les chars des bestes, la char du veau est la meilleure. Et aucuns dient que la char du pourceau est la meilleure et la plus saine. Et autres prisent plus la char des bestes qui sont chastrees. Mais, quant de mon oppinion, je croy qu’on doit en ce avoir souverainement regard a la coustume et a la complexion et a l’appetit des personnes. Touteffoiz, aucuns gens estans en bonne santé ou coustume de user de lievres, des congnins et de cerfz, qui, touteffoiz, sont chars melencoliques. Et quant ces bestes deviennent vielles, on n’en doit user aucunement et de tant qu’elles sont plus jeunes et peus prouchaines du lait, vallent-elles mieulx, car la sechersse de leur complexion est attrempee par le jeune

 


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eage.

Item l’en ne doit aucunement user des chars susd. si non quant elles sont grasses, car leur secherresse est moderee et attrempee par la graisse. Et entent Gallien, quant il dit toutes bestes qui mangeuent herbes ou les bouts des arbres et tendres plantes qui commencent a venir et croistre, sont meilleures a mangier de tant qu’elles sont nourries et gouvernees plus habundaument.

Item il est moult de bestes qui ne sont pas convenables a mangier, et aussy, nous ne avons point coustume d’en mangier, ja soit ce que en ce cas de necessité, aucuns en manguent, comme de renars, loups, asnes, chevaulx et chiens, desquelz l’en ne use point, si non par faute d’autre char. Touteffoiz, aucuns venneurs manguent des renars en automne, pour ce que lors ilz sont gras de la vendenge qu’ilz manguent. Aucuns aussy user de char de chiens chastres et bien gras. Et ce puet faire en necessité, quant l’en n’a autre chose. Et pareillement, doit estre entendu de char de loups. Touteffoiz, vault pire encores a mangier la char des asnes et des chevaulx et de lions, car ces chars sont moult eslongnees de la complexion humaine. Et par ce, on n’en doit aucunement user si non en tres grande necessité. Item la char des congnins, apres celle des sangliers et chevreux, est la meilleure entre les bestes sauvaiges.

Et devons bien ycy noter que les chars qui tirent et declinent a secheresse, se doyvent boullir et non pas rostir; leur excessive moisteur sera aucunement attrempee. Et pour tant, congnins, lievres, serfz, veaulx, chabris et chevreux ses doyvent boullir. Et pourceaulx et moutons chastres ses doyvent rostir, car le boullir

 


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attrempe la secheresse, et le rostir modere la moisteur. Et par ce appert que, en temps moiste et a gens qui sont de moiste complexion, chars rostiez sont bonnes. Et generallement, celles qui sont seches de leur nature, sont bien convenables. Mais chars bouillies et celles, qui de leur condition sont moystez, sont plus convenable et plus saines en temps sec et a gens de grant eage, ou a ceulx qui sont de complexion seche.

Nous devons aussy savoir que, entre les chars qui sont bonnes et saines, aucunes sont de dure digestion, comme chars de pourceaulx, de thoreaulx jeunes et de moutons chastres, qui sont ung petit vieulx. Et aucunes sont de moyenne digestion, come char de veaulx alaictans, de jeunes livres et de aigneaulx d’un an, qui sont chastres. Item, entre le susd. char qui sont bonnes et louables, les aucunes engendrent humeurs grosses et visqueuses, comme char de pourceulx. Et aucunes engendrent humeurs grosses sans viscosité, comme char de congnins et de chabris et chevreulx jeunes. Aucunes engendrent humeurs asses subtilles avec aucune viscosité, comme chars de jeunes aigneaulx. Autre difference se treuve aussy entre les chars susd. qui sont bonnes et louables, car aucunes nourrissent fort, comme pourceaulx; aucunes ne nourris gueres, comme congnins; et autres nourrissent moyennement, comme viaulx et moutons chastres.

Item, pour savoir bien user des chars susd. qui sont saines et bonnes, il fault considerer la diversité qui est entre les parties de dedans au regard de celles de dehors; et semblablement, les parties de devant a celles de derriere; et aussy de la dextre a senestre. Et quant au premier, nous devons savoir comunement que les membres

 


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de dehors sont plus louables au regime de santé que les parties de dedens, car les parties de dedens, comme le cervau, le cuer, le poulmon, l’estomac, le foye, la rate, les membres genitoires, les rains et intestines, ne sont mie de bon nourrissement. Au moins, ne sont pas si bons que les membres du dehors, car ilz sont de dure digestion et engendrent grosses humeurs. Et quant est du cerveau, nous devons savoir qu’il est bien contraire a l’estomac et le provocque a vomir et a engendrer humeurs grosses et fleumatiques. Mais, s’il est bien digeré, il baille bon nourrissement. Mais on ne le doit manger aucunement apres autre viande et est bon qu’on le mengeue avec une herbe appellee organum, qui est semblable a marjolaine, ou avec une autre herbe, qui se nomme calamentum, qui est une espece de mente, ou generallement avec aucuns choses qui puissent attremper sa viscosité et moisteur et qui aient vertu d’eschauffer et de coupper et de trancher les humeurs. Et comme nous avons dit du cerveau, parreillement doit estre entendu des autres mouelles et de vica, qui est la mouelle du dos et de l’eschine; et, si on en veult mangier, il est tres convenable faire rostir ces mouelles affin que leur viscosité et moisteur soit attrempee. Et devons diligeaument noter que mangier du cerveau des chevreulx jeunes et des chabris est moult bon contre tous venins et contre la morseure des bestes venimeuses.

 

Du cuer des bestes a quatre piedz.

 

Le cuer est [de] dure digestion et demeure bien longuement en l’estomac. Et, si l’estomac le puet digerer, il nourrit bien et engendre bonnes

 


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humeurs. Et mesmement doit ce estre entendu du cuer de chabris. Item nous devons savoir que le cuer du cerf a vertu assez semblable au cerveau. Il est bon aussy contre le venim, comme est le tiriacle.

 

Du polmon des bestes a quatre piez.

 

Le poulmon, entre les aultres partiez qui sont dedens le corps, est le plus aisé a digerer. Et ce appert par ce qu’il est ainsy subtil, tenue legier, moul, rare et plain de pertuiz. Mais le nourrissement qui en vient, est fleumatique et n’est gueres grant et [je] croy qu’il ne soit pas bien mauvais; et mesmement, le nourrissement qu’il vient du poulmon du chabri.

 

De l’estomac.

 

L’estomac, le grossier, les intestines et la marris sont de tres dure digestion et demeurent longuement en l’estomac et n’engendrent pas bon sang.

 

De la rate.

 

La rate est tres mauvaise a mangier et le nourrissement qui en vient, est plain de mauvaises humeurs. Touteffoiz, elle engendre foison de sang. Item la rate n’est point de bonne et delictable saveur.

 

Du foye.

 

De foye est de dure digestion, mais il nourrist fort et engendre tres bon sang.

 

Des membres genitoyres.

 

Les membres genitoires sont tres dures a digerer et engendrent humeurs mauvayses. Mais, si on les puet parfaittement di-

 


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-gerer, ilz nourrissent bien. Et entre les membres genitoires des bestes, ceulx des sengliers et pourceaulx privez sont meilleurs et plus sains que les autres, car de tant que la char des pourceaulx est meilleur que des autres bestes, leurs membres genitoires baillent aussy mieulx nourrissement et vallent mieulx que les autres. Et doyt l’en bien icy noter que les membres genitoires des bestes vieilles et fort eagees, esquelles la semence est toute fermee, ne baillent mie bon nourrissement, car il y a quelque infection venant de la semence, comme es rains se treuve une puanteur sentant l’urine qui est en eulx engendree et gardee. Et pour ceste cause, les rains n’engendrent pas bien bon sang. Mais les membres genitoires de jeunes bestes, qui n’ont point encores le povoir d’acomplir l’oeuvre charnelle et qui encores n’ont point de semence, baillent assez bon nourrissement, mais ilz sont de dure digestion.

Et ce tant pou souffise des membres genitoires et de ceulx de dehors.

 

De la difference des membres et parties de devant a celles de derriere.

 

Nous devons savoir que, au regard des membres de dehors, les parties de devant vallent mieulx et sont plus saines que celles de derriere, car celles de devant sont plus purifies et purgees de toutes superfluitez; sont aussy plus prouchaines de la fontaine de challeur et plus aisees a mouvoir. Et communement, elles ne sont pas tant grasses que les autres. Semblablement, la dextre partie est plus saine que la senestre. Et generallement, les parties plus charnues vallent mieulx que celles

 


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ou il n’y a point de char, comme sont les piedz, les oreilles et le groing. Et, entre cesd. partiez, les piedz sont meilleurs et les plus louables, puis apres le groing et puis les oreilles. Et toutes ces parties susdittes sont de dure digestion et ne nourrissent gueres. Item les piedz de jeunes pourceaulx et sengliers sont les meilleurs et se doyvent cuire cuire [sic] et boullir en eaue, puis doyvent estre mangiez au vin aigre. Item nous devons aussy notter que les extremitez d’un pourceaulx ou sanglier et celles d’un chabry alaictant, sont bonnes aux coleriques et mesmement en temps chault.

 

Des parties de la char.

 

Nous devons savoir que la char est de deux façons, en tant qu’il sert a notre propos. L’une est spongieuse et n’est point ferme, comme est la char des mamelles, des membres genitoires, des ensiees, des esselles, des mandibulles, de la langue et semblables parties. Et toutes celles char spongieuses sont de bon goust et playsent. Et les mamelles aiant lait on en soy doulceur et pour ce qu’elles sont bien plaisant aux frians, touteffois, elles engendrent humeurs fleumatiques et qui sont aucuneffoys crues et indigerees. Au sourplus, l’en a devant assez parlé des membres genitoires et a ceste cause, nous nous en taisons a present.

 

De la langue.

 

Le nourrissement qui vient de la langue, tient le moyen entre le nourrissement venant de la char ferme et entre cellui qui baille la char spongieuse. Item la

 


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langue de veau ou de cerf est plus louable que des autres bestes, comme les membres genitoires des jeunes sangliers et pourceaulx sont les plus loiaulx. Et encores valent mieulx ceulx des coqs gras qui point ne sont avec les gelines. Item le poulmon d’un chevrel ou cabri est le plus louable entre tres tous les poulmons. Et le foye d’un cabri est meilleur que les autres. L’estomac aussy des gelines, le cerveau des congnins et le cuer des cerfz sont les meilleurs. Item, entre les chars qui sont fermes et non spongieuses, ou sont foysons de glandres, la partie qui est plus prouchaine du cuer, est la meilleure, comme est la char des costez et celle qui est au pres des os; celle aussy qui est au quartier de devant et qui est au costé dextre; item celle qui est moyennement grasse.

Mais char maigre qui est loingtaine du cuer et qui est en la partie senestre; celle aussy qui est sans os; et generallement toutes ces chars vallent moins que les autres, comme appert de la char de la partie au dessus de la cuisse senestre. L’en doit doncques choisir char aiant os qui est prouchaine du cuer et qui est en la partie de devant, au costé dextre. Touteffoiz, il puet icy estre une question a l’occasion des conuns, car leurs partiez de derriere sont asses bonnes. Mais ce advient pour ce qu’ilz les eslievent tousjours par dessus celles de devant. Et, a ceste cause, leurs parties ou cuisses de derriere sont mieulx purgees des superfluitez que celles de devant. Et avec ce, elles sont grasses et pour tant, il puet estre vray qu’elles sont meilleures et plus saines que les aultres de devant.