📜 Le Régime de Santé par Guy Parat (vers 1459)
Le IXe chapitre traicte de la conservation du cueur.
Pour conserver le cuer en santé, l’en se doit souverainement garder de couroux et d’angoisse et de toutes choses qui y provocquent, car le cuer a deux tres cruelz et mortelz ennemis, c’est assavoir : tristesse et desespoir et, entre aultres choses, tristesse est ce qui fait plus grant mal au cuer, car elle estaint la challeur naturelle et aparfundit le cuer et le fait avaller et trop descendre et tant longuement puet continuer, qu’elle perce le cuer et tue la personne. Ceulx doncques qui sont en couroux et tristesse, doyvent mettre tout effort a les debouter de leur cuer et ce doyvent contraindre a eulx esjouir ce qu’ilz pourront faire par vacqueur a quelque plaisant excercice, comme d’aler a la chace, laquelle engendre joye et hardement par aussy doulcement et plaisement ouir chanter et tous sons melodieux et delictables, car toutes ycelles choses rendent l’omme joyeux.
f° 18v°
Viandes aussy faysans bon sang et cler, comme sont pigeons, petis poucins, perdrix, teurterelles, jeunes aigneaulx, cabris, jeunes chevreaulx et semblables bestes. Item bon vin viel qui soyt subtil et armonique et souef fleurant, conforte a merveilles le cuer. Et n’ont trouvé les sages chose tant confortant les esperitz ne le cuer ne qui tant reveille la challeur naturelle, come fait le vin, tel comme j’ay dit davant, mais qu’il soyt moderement prins et sans exces. Et il est bon aussy en ce cas de soy tenir en lieux plaisans et delictables, comme en beaux jardins et belles praeries et vertez et mesmement s’il y avoit largesse de bonnes herbes et fleurs souef et flairans, car les membres principaulx se resjouyssent fort en bonne oudeur. Et devons bien diligeaument noter qu’il n’est chose au monde qui plus face de bien au cuer, que ung bon et loyal amy, a qui l’en puisse dire franchement et sans quelque suspeçon, descouvrir tous ses secrez de son cuer. Et la plaisante comunicacion d’un tel amy sourmonte et passe la melodie de tous insturmens.
S’ensuyvent les medecines conservans le cuer :
Ambre; muses; roses; or; karabe, qui est une pierre semblable a coral; ganfre been, qui est comme l’os du cuer du cerf et vient d’oultre mer; bourraches; cytrons; coral; sastren demonia, qui est la racine d’une herbe resemblante gingembre; cloux de giroffle; jacinte, qui est une pierre precieuse semblable aux dyamans; laurier; pesches; pommes aromatiques; et souve-
f° 19
-rainement, sert en ce cas une maniere de pommes que l’en appelle matrana, qui sont comme pommes de coing sauvaiges et croissent en Lombardie; rommarin; perles et semblables besongnes.
Les confutions aussy qui s’ensuyvent, vallent moult a conforter le cuer : le electuaire nommé aromatic muscat, qui est fait de muscus cuict en succre et fait par morseaulx; la confection faicte de muscus; le electuaire appellé dyambra esjouyssant; le lectuaire fait de pierres precieuses; tiriacle et autres pluseurs semblables electuaires, que les acteurs de medecine mettent en leurs livres. Item oeufz frais et gelines confortent a merveilles le cuer, parce qu’ilz engendrent bon sang bien convenable et proportionné au cuer.
S’ensuivent les choses nuysans au cuer :
Brouees; air puant et mauvais, lequel actrait par l’alaine et meslé avec les esperitz de vie, rent aussy vieux esperiz et ydoines et desconvenables a excercer les oeuvres naturelles du cuer; item coloquintida, qui est une medecine laxative et est comme une pomme; euforbui, qui est une gomme chaulde; mezeon, qui est une herbe laxative que les apoticaires plantent en leurs jardins; stamonca, qui est le jus d’une herbe laxative, qu’on appelle tintimales et est le jus de ceste herbe comme lait; eleborus, qui est une herbe laxative que nous appellons communement pate de leon et en trouve l’en de blanches et de noiers; item fungi, qui croist et naist des racines des chesnes et sont comme ongnons et les appellent les enffans pains de crapaulx. Et generallement toutes choses
f° 19v°
venimeuses, nuysent souverainement au cuer.
Et devons ycy entendre que, entre lesditz medines confortans le cuer, les aucuns sont attrempees, comme la pierre precieuse nommee jacinte et l’erbe nommee buglose, que les Anciens appellent bourraces sauvages et semblables medecines. Les aultres medecines sont chauldes comme deuronicum, qui est, comme dit est, l’erbe semblable a la racine de gingembre; zedoaria, qui sont racines ressemblables gingembre; muscus; ambre; soye been, le blanc [et] le vermeil; et cloux de giroffles, et semblables medecines. Et les autres medecines cordiales sont froydes, comme perles; coural; karabe, qui ressemblent a coural comme dit est; canfre et plusieurs semblables. Item coriandre est bonne au cuer mais qu’elle soit bien et deuement preparee, car autrement, il a nature de venin.