📜 Le Régime de Santé par Guy Parat (vers 1459)
Le tiers traicté parle de la conservation et garde de notre santé, par cinq choses non connaturelles. C’est assavoir : air, viandes, bruvages, mouvement et repos, dormir et veillir, replecion ou inanicion ou vuider et les accidens et passions du couraige.
Le premier chapitre traicte de l’air qui est necessaire a la conservacion et garde de la santé.
Oultre les choses non naturelles, choisir bon air est souverainement neccessaire a nous maintenir en santé, car, entre toutes choses qui atouchent et approuchent a notre corps, il n’est rien plus fort mouvant les esperis que l’air que nous atraions par la bouche et narines. Et vient tel, qu’il est jusques au cuer et aux conduiz et arteres du corps. Et, selon l’oppinion de aucuns, l’air entre en nous par les porrosites et subtilz pertuiz de notre corps, et par tous les conduiz se mesle avec les esperitz du corps, par lesquelz esperitz, notre corps fait et acomplit toutes ses opérations.
Et pour tant, l’en doit estre fort soigneux de eslire sa demeure et habitation en lieu ou y ait bon air et pur et bien actrempé en ses qualitez, selon la condicion et exigence du temps. Car en esté, l’en doit querir air pur tirant et declinant a froidure moderee. Et au contraire est en yver, ou l’air est pur en yver et esté, le printemps et autompne ont l’air attrempé. Mais, pour ce qu’il advient souvent, quant l’air est pur en quelque place, il est troublé legierement des vens, qui
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soudainement sourviennent. Ceulx qui ont le corps tendre et rare, sont legierement blecez des alterations, mesmement quant cest vent coule. Et pour tant, il est tres expediant que les lieux ou grans vens regnent, l’en se veste fort et de grosses vestures. Mais les coleriques et les sanguins se doyvent vestir d’abillamens de soye ou de toille, ou il ait du cotton, car telz habillemens n’eschauffent point trop le sang et si deffendent le corps du vent.
Et doyt l’en bien avoir regard a la place, ou l’en veult coucher et dormir, qu’il n’y ait point air clos ne enfermé et non aiant franche entree et yssue, comme nous voyons en aucunes maysons voultees, ou il n’y a gueres de fenestres, mais est le lieu fort clos. L’en doit aussy prendre garde a l’air desd. lieux, qu’il ne soit ramatique, come il est es places non pavees, ou il y ait de l’aisserie, car l’air y est trop gros et moiste. Et ceulx qui s’i tiennent, mesmement qui ont accoustume d’y dormir, sont fort grevez au chief et en la poittrine et en deviennent rudes, paresceux et endormiz. Et tel air serre et restraint le cuer et endurcit l’alaine et ne la puet-on aisement reprendre, ne avoir, et sy, empesche la voix et fait les gens enrouez, comme esperience le monstre. Et pour tant, si on ait contraint par quelque neccessité soy tenir en telle place, l’en doyt en yver purger et subtiller l’air de feu fait de vignes seches ou de rommarin, ou semblable boys, qui point ne fait de fummee, mais baille clere et nette flamme. Et en esté, l’en doyt tenir toutes les fenestres ouvertez. Et doit-on coucher en la partie, ou l’air puet mieulx venir. Et n’est pas bon arrouser la paue d’eaue, mais, se il est besoing de y mettre des herbes et arbres vers, il fault bien garder que ces choses ne soient de nature moite et aquatique, comme sont jontz gros
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et herbe molle. Mais y peut l’en mettre da [sic] fueille d’un petit arbre appellee mirtus et autres arbres semblables. Item est bon en yver, en telz lieux faire de la fummee d’encens ou du boys d’aloes et de genevre ou de cipres. Et en esté, ce puet faire la fummee d’un boys appellé sandaly ou de feuielles seches de mirtus ou des rainceaulx dudit mirtus ou de roses seiches, desquelles, si on en a habundance, on peut semer la paue ou en remplir des saches. Et les puet-on mettre au chevet du lict.
Et quant le temps est si froit qu’il se fault tenir au feu, l’en se doit garder de le trop approucher. Et se doit longuement seoir pres, et mesmement apres son repas, car ce affoiblit ceulx qui ont le corps tenue et subtil et leur oste partie de leur esperit. Et si, s’en empesche partie de leur vertu digestive et ne seuffre a digerer. Item l’en se doit garder de tenir le visage longuement devers le feu, car il nuyst a la veue et aguise le sang et est cause de encourré ung tonnerre de teste. Et si fault avoir le visage devers le feu, l’en doit mettre aulcune chose pour l’en garder. Et mesmement quant le feu est pres, l’en doit doncques, qui puet tourner le dos au feu et soy chauffer moderement, soy garder touteffoiz qu’ on ne ait trop chault es rains. Item devons savoir, que l’en ne doit point faire son feu de chose qui saveure aucunement la nature de venim, ne de choses laxatives, ne de metaulx. En la matere dont le feu se fait, ne doit estre ou venir de terre puant et corrumpue ou de fange ou de limon. Et ne doit estre de mauvaise nature et complexion ou de mauvaise qualité. Et pour tant, on doit en ce cas eschiver tout boys de mauvaise nature et complexion, comme sont figuiers noyres et autres semblables. L’en se doit aussy garder de feu
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de charbon, car il fait cheoir en tres mauvaises et dangereuses maladies, comme souvent a esté veu. L’en se doit aussy garder de soy fort chauffer incontinent apres mangier, car ce debilite la vertu digestive par attraire la challeur naturalle et les esperitz au dehors. Et pour ceste cause aussy, l’en desprise fort les estuffes, car la challeur y est enclose et non esvantee.