📜 Le Régime de Santé par Guy Parat (vers 1459)
Des herbes chauldes.
S’ensuyvent les herbes chauldes dont l’en use communement : persil, fenoul, ape, roquet, cresson, sauge, ysoppe et mente.
Le persil est herbe chaulde et bien congnue.
Et touteffoiz,
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Avicenne et Serapion n’en font point chapitre propre et, pour avoir la congnoyssance d’elle, ilz renvoent au chapitre d’ape dont il sera parlé icy apres. Item le perisil est moult aperitif et oeuvre les conduiz. Et pour tant, il n’est gueres convenable pour en user par maniere de viande, mais le doit-on prendre comme medecine pour corriger la malice des autres viandes, comme l’en dira au chapitre ensuyvant. Il conforte aussy la digestion et les ventosites boute hors. Et est une herbe bien convenable en saison et region froydes. Item il est esperimenté et exprouvé que, si on le broye avec du sel et que on le mecte sur la morsure d’un chien enragé, elle s’en garit. Au sourplus, il oeuvre les voyes de l’urine et si provocque les femmes a jecter leurs fleurs. Et, selon l’oppinion d’aucuns, persil est une maniere et espece d’ape.
Du fenoil.
Avicenne dit que le fenoul est de dure digestion et le nourrissement qui en vient, est mauvais. Et le sauvaige est de plus vehemente challeur et secheresse que celui qui croist es jardrins. Item il conforte et aguise a merveilles la veue et mesmement la gomme. Et pour tant, ceulx des regions d’Asie trenchent les verious du fenoul et les approuchent au feu jusques qu’ilz suent et qu’il en sault une chose semblable au grain du fenouil. Et ceste chose est plus forte et plus vertueuse pour mectre es colieres et medecines servans aux yeulx que le fenouil. Item le philosophe Democrite dit que les bestes envenimees manguent la semence du fenouil noveau pour conforter leur veue. Et les viperes, pour enluminer leurs yeulx, les frotent et touchent au
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fenouil, lorsqu’elles sortent de leurs cavernes apres l’iver. Item le fanouil baille aux femmes habundance de lait. Et, si on le boit avec eaue froide, il oste l’appetit de vomir et enfleure de l’estomac et si provocque urine et aux femmes les fleurs. Et le fenouil sauvaige rompt et froisse la pierre es rains. Et est bon a manger la semence du fenouil avec naveaulx. Et les feuillez se doyvent mangier avec laictues pour corriger la malice desdictes feuilles.
De ape.
Ape a asses ses proprietez semblables a celle du persil, mais son goust n’est gueres plaisant. Et pour tant, on n’en use point en maniere de viande. Item l’ape est chaulde au premier degré et seiche au second. Mais ung docteur, appellé Le Rous, dit que celle qui croist es jardins, est moiste et que sa racine est moderament seche. Item elle aneantit et resoult les ventositez, les oppillations; il euvre et les estouppemens et provocque et induit a sueur. Mais elle fait mal au chief et engendre la maladie epilentique. Et dient aucuns que les femmes alaictans, doyvent garder soigneusement d’en user. Au sourplus, aucuns phisiciens afferment qu’elle n’est point si seche que les persilz. Et pour tant, elle ne vault pas tant fort le sang, comme fait le persil. Dit aussy Avicenne, qu’elle se doit mangier avec la laictue, car elle attrempe et modere la froideur d’icelle laictue.
Du roquet.
Il est deux manieres du roquet, c’est assavoir : sauvaige, croissant aux champs et domestique qui croist es jardins. Et le sauvaige est appellé d’aucuns cresson. Le rocquet est chault au second degré et sec au premier. Et, si on mangue en grant quantité dud. rocquet, il engendre une grant maladie de chief nomee
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seda, qui est une tourneure de teste. Et, si avec le rocquet on mangeoit de la laictue ou pourcelaine ou endive, il perdroit ceste mauvaise condicion et ne feroit point de mal. Item le rocquet sauvaige et mesmement sa semence fait bien uriner et vient puissance a l’oeuvre charnelle. Mais, selon l’oppinion d’aucuns, le rocquet engendre le mauvais sang. Au sourplus, si on veult boire apres bon vin souef sentant, c’est triacle contre la morsure de la mousteille.
Du cresson.
Aucuns nomment cresson ape d’eaue. Et cresson, tant cuit comme cru, est de chaulde nature. Et qui le prent avec vin aigre, sel, huille, il incite et aguisse l’appetit. Et de tant qu’il est de meilleur saveur et oudeur, a [-t-] il plus grant vertu et eschauffe la personne. Cresson, de la proprieté, brisse et casse la pierre aux rains et provocque l’urine, fait vuider du ventre l’enfant mort. Et est bon contre l’enfleure et grosseur de la rate. Item cresson ne nourrit gueres et le nourrissement qui en vient, n’est pas fort louable ne bon. Mais il mudiffie et purge le poulmon et aguillonne les rains a oeuvre charnelle. Et dient aucuns que de soy mesmes, il est ennemy de nature a l’estomac.
De la saulge.
Sauge est bien fort chaulde et seche. Et pour tant, ce n’est gueres bonne viande a mangier seulle. Item elle conforte moult les nerfz et, si on la fait bouillir en moult de vin ainsy boulli, s’il est prins moderament, est moult bon aux paralitiques qui ne se pevent aider de leurs membres. Vault aussy aux epilentiques, qui est une maladie de quoy l’en chiet. Et avant que l’en prengne cestuy vin, l’en doit estre purgié [par] l’eaue ou l’en a bouilly des rainceaulx et
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fueilles de saulge. Provocque a uriner, fait aux femmes jecter leurs fleurs, appaise la demengue des membres genitoires es hommes et femmes, noircit les cheveulx, fait cesser les flux et cours de sang, nettoye et umidiffie cloux mauvais et dangereux, et baille bon appetit, si on en fait sa saulce et mesmement [à] ceulx qui ont l’estomac chargé de mauvaises humeurs et indigerees. Et, a ceste intencion, l’en puet faire la viande qui s’appelle froide sauge; et puet garder plusieurs jours pour en user quant bon semblera.
De ysoppe.
Ysoppe est une herbe chaulde et seche qui est asses congneue. Et sont les fueilles semblables a celle de majolaine et est bonne a garir la toux envieillie. Vault aussy contre une viande appellee asmati, qui est quant on ne peut aisement avoir son alaine. Et singulierement ad ce sert l’eaue ou elle a esté cuicte avec miel. Item ysoppe est bonne contre le reume et catharre, qui descent du chief en la poictrine. Et, qui la mangue avec figues nouvelles, elle lasche le ventre. Item quant elle est bouillie avec vin aigre et qu’on en lave sa bouche, elle assouage la douleur des dens. Et, qui veult tenir ses oreilles sur l’eaue, ou ladicte ysoppe a esté bouillie, ce ressoult et aneantit la ventosité qui y est. Au sourplus, ung docteur appellé Le Rous, dit que ysoppe lasche et destache les humeurs crues qui sont environ la poittrine. Et Avicenne dit qu’elle tue les vers qui sont ou ventre et les fait jecter dehors.
De la mente.
Mente est chaulde et seiche et a aucune moisteur en soy. Elle conforte et eschauffe
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l’estomac, deffent le vomir, restraint le sang quant on la met sur les mamelles. Item, si on la met avec le jus de pommes de Grenades sures, elle garde de s’engloutir et de vomir. Et est bonne contre la colerique passion. Et, si on la mangue avec vin aigre, elle tue les longs vers du ventre. Et incite a oeuvre charnelle. Et singulierement, elle est propre contre la morseure d’un chien enragié. Et moult y sert. Au sour[plus], je vueil icy adjouster la sentence de Gallien qui dit que porrees sauvaiges corrumpent le sang et engendrent mauvaises humeurs et corrumpues dont cloux, froncles et appostumes, viennent a celux [sic] qui en usent souvent. Et souverainement, les nourrices s’en doyvent garder, car les porrees, ou il y en a, corrumpent le lait. Et quant les nourrisses en usent coustumierement, elles et leurs enfans se chargent de cloux.