📜 Le Régime de Santé par Guy Parat (vers 1459)
Le premier traitté parle de la conservation et garde du corps de la personne et de tous les membres en general.
Le premier chapitre desclaire la neccessité de garder et conserver sa santé.
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Il est neccessaire pour deux causes que l’en face grant diligence de soy garder en santé, car le corps de la personne est naturellement variable et muable et ne puet de soy-mesmes entretenir ou bon estat que luy ont baillié les princes et causes de sa naissance et de son estre, si [le corps] a besoing de bon regime, lequel s’appelle conservation et garde de la santé. Et de ce, avons-nous intention a present de parler. Et touteffoiz, il fault icy entendre que ceste garde de santé, dont au plaisir de Dieu nous traitterons, n’est pas de telle vertu qu’elle nous puisse tousjours maintenir en vie. Car force est, comme chacun scet, que l’en se acquicte du devoir de la mort une foiz. Mais, par bon regime, nous povons preserver de moult de inconveniens que autrement ne pourrions eschiver.
Et en especial, bon regime sert a deux choses. Premierement, a nous garder notre naturelle moisteur, que les phisiciens appellent humidité substancial et radical, [qu’elle] ne soit consummee et aneantie avant le terme et periode prefixes de nature. Secondement, il vault a deffendre et preserver les humeurs de notre corps de corrupcion et de pouvreté. Pour certain, se il advient que l’en commecte faulte en bon regime, la moiteur et humidité radical du corps se pourra consumer avant le temps deu et la mort en sera avancee. Dovons [donons?] que ceulx qui se travaillent de jeunesses desmesurees deviennent maigres et extenues et apres se meurent par mauvais regime. Aussy, la challeur naturelle du corps pourra estre estainte et oppressee de quelque humeur fort habundant, comme il advient aux fors gourmans qui trop se chargent de viandes et de vins. Advient aussy ce danger a ceulx qui ne usent de quelque excercice mais sont en conti- f° 7 - nuel repos. Le second inconvenient sourdant de mauvais regime est excessive multiplication de humeurs qui se corrumpent et pourrisent, comme nous voions ceulx estre disposez a encourrir fievres pourries qui continuellement usent de vivres, ayans desnaturelz challeurs avecques moitteur accidentalle et evaporant. Et ce, sera apres plus a plain declaré.
Il appert doncques par ces deux causes, que cet art de garder et conserver la santé est fort neccessaire. Et adjoustent les Anciens une tierce cause a prouver qu’il est besoing de nous gouverner par art de medecine, a nous entretenir en santé. Car il y a aucunes choses sourvenans, desquelles il nous fault neccessairement user, comme air, bruvaige, viande, repos, dormir, inanicion qui s’appelle vuider ou replecion; les passions aussi et mouvemens de l’appetit, comme joye, tristesse, courroux; et pareillement les œuvres de l’entendement, comme penser et semblables occupations et excercice d’engin [cerveau]. Et par user de ces choses convenablement et en bonne moderation, l’en se maintient en santé, comme d’en user indeument et excessivement procedant et naissent plusieurs maladies. Comme doncques nous puissons des dessusdictes besongnes bien et mal user, ainsy que l’en mangue ou boit aucuneffoiz ou plus que besoing ne seroit ou pareillement puet advenir exces et autres choses nommees, il s’ensuyt qu’il fault qu’il soyt ung art qui enseigne et instruise comme l’en se doit gouverner au regart des choses dessusdictes. Et cest art est la doctrine de conserver et garder la santé. Et de ce, avons-nous intencion a present de traicter, en poursuivant les enseignemens des sains docteurs en medecine, comme de Rasis, Gallien, Haly, Avicenne, Albamasor et aultres.