📜 Le Régime de Santé par Guy Parat (vers 1459)
Le troisiesme chapitre [sic] traitte du pain.
Comme il soyt ainsy que ce qui se dit en general ne serve gueres, se il n’est particularisé, nous descendons particulierement a parler des viandes et brevaiges venans de nature ou faiz par artifice. Et quant est aux viandes, nous en ferons plusieurs chappitres. Au premier, nous traitterons du pain et des grains, dont l’en puet
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faire pain. Au second, parlerons des grains et semences et s’appellent des phisiciens legumia. Au tiers, traiterons des fruitz. Au quatreiesme, parlerons des herbes. Au Ve, traicterons des racines. Au VIe, toucherons des bestes. Au VIIe, parlerons de ce qui est superflu es bestes. A le VIIIe, traicterons des poissons. Au IXe, dirons des saulces et choses servans a savourer la viande. Et toutes ces choses seront traictees au plus brief que faire se pourra, en poursuyvant l’intencion des acteurs et maistres en medecine.
Nous devons doncques premier savoir que l’en puet faire pain de plusieurs grains, comme de formant, de orge, de avaine, de segle, de milet et d’une maniere de milet qui s’appelle panique et se treuve es Ytalies. Le pain de forment est le meilleur et le plus louable; puis le pain d’orge; et au derrenier est le pain d’avoyne. Et le pain qui se fait d’aultre grain, n’est point a loué ne approuvé au regime de santé. Si, doit l’en bien prendre garde que les dessusditz grains ne soient trop vieulx ou corrumpus. Et pour tant, le forment, dont ce fera le pain, ne doit estre fort viel ne mal meur, ne trop nouveau, ne recuilly de mauvaise mayson, mais il doit estre gros pesant et tirant sur le vermeil. Et a faire le pain, l’en y doit mettre moderement eaue, touteffoiz qu’il ne soit pas trop mol ne aussy trop espes, ne trop dur, et doyt estre bien levé. Et est bon qu’il y ait ung petit de sel pour doubte qu’il n’estouppe et face opillacion et qu’il ne engendre des vers, et soit cause de faire venir la pierre es rains ou en la vessie; affin aussy qu’il soit plus aisié a digerer. Et dit Avicenne qu’on ne doit point mangier pain trop dur ne viel cuit, ne aussy pain chault, mais doit estre du second jour ou du tiers. Et au cuire le pain, le feu ne doit estre trop grant
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ne trop petit. Et doit estre de voix sain et qui ne saveure aucunement la nature de medecine laxative ou de quelque metal. Et, si on desire que le pain nourrise fort, il fault faire fleur pure sans y laisser le retrait ou terceuil. Mais, si l’en a besoign [sic] d’avoir le ventre lasche, il ne fault pas oster tout le retrait ou terceuil, car il lasche le ventre et si ne nourrit gueres, et la farine fait le contraire.
Item devons savoir qu’il vault mieulx user de la mye de pain que de la croste, car la mye nourrit mieulx et si est plus aisee a digerer; et la croste engendre humeur melancolique. Et pour tant, elle n’est gueres bonne a gens haitiez, fors a ceulx qui ont l’estomac moiste et ceulx qui se veullent amaigrir. Et, si on veult user de croste, il vault mieulx prendre en la fin du repas, car elle aide a faire descendre la viande et conforte la bouche de l’estomac.
Item il n’est pas bon au regime de santé, user de forment cuict, comme font aucuns, car il estoupe ou oppille et si engendre vers ou venim, qui s’appelle lumbrig, dispose aussy a gravele. Et vault mieulx user d’orge, d’avoyne ou de ris. Item on ne loue point user de millet ne d’un grain appellé panicum, car ilz ne nourrissent gueres et sont de dure digestion, serrent aussy le ventre et engendrent humeurs melencoliques. Il est vray touteffois que, apres qu’ilz sont cuictz en eaue, l’en y mect du vin. Et quant on le boit, il sert a purgier l’estomac et a secher la moicteur superflue qui y est et si fait suer. Mais, quant on veult user de ces grains, on les doit mouder et peller et les cuire en vin avecques ung petit de sel. Et ceste viande est fort en coustume en la cité de Milan.